Alcool et drogue en entreprise restent à ce jour des fléaux et des dangers. Pour le consommateur lui-même certes, les collaborateurs qui y travaillent mais aussi pour le chef d’entreprise au titre de la faute inexcusable.
Alcool et drogue en entreprise, comment s’en défendre ?
Un peu d’histoire …
Avant les années 2000
Selon l’article L 1321-3 du code du travail, « le règlement intérieur ne peut pas contenir de dispositions contraires aux lois et règlements ». Or, bien qu’il soit interdit de laisser entrer ou séjourner sur le lieu de travail un salarié en état d’ivresse (article R4228-21 du Code du Travail), certaines boissons alcoolisées sont autorisées sur le lieu de travail par la législation (vin, bière, cidre, poiré, article R 4428-20 du Code du travail).
En 2002
La Cour Européenne des droits de l’homme s’est exprimée. Elle a accepté qu’un employeur danois ait imposé une prise de sang à des salariés pour détecter la présence de drogue. La sécurité d’autrui était en jeu, même si les substances avaient été absorbées depuis plus de 48 heures.
En 2004
(arrêt du 24 février 2004, n° 01-47.000), la loi française permet à l’employeur d’avoir recours à l’alcootest, dans la mesure où les trois conditions suivantes sont respectées :
- l’alcootest doit être prévu dans le règlement intérieur,
- les fonctions des salariés concernés le justifient,
- les salariés doivent avoir la possibilité de contester le test.
L’alcootest peut être effectué par l’employeur lui-même ou une personne ou organisme désigné par l’employeur. Un tiers peut être présent lors de ce contrôle.
Plus tard, en 2007
la loi n° 2007-297 du 5 mars introduit la possibilité d’effectuer des dépistages systématiques. Trois conditions subsistent néanmoins :
– le faire sur réquisition du Procureur de la République,
– qu’il s’agisse de personnel d’une entreprise de transport terrestre, maritime ou aérien, de marchandises ou de voyageurs exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport,
– qu’il existe à leur encontre une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’ils avaient fait usage de stupéfiants.
Cet article de loi de 2007 reste très restrictif. En effet, il ne concerne qu’une activité, le transport. Or, dans toute entreprise, quelle que soit son activité, un salarié sous l’emprise d’alcool ou de drogue peut générer des dommages. Dommages sur le matériel, sur lui-même et sa santé et les salariés de l’établissement. (20 à 30 % des accidents de travail, qui coûtent en moyenne 1,5% de la masse salariale annuelle). Il semble donc, devant la multiplication des cas, nécessaire de mettre en place des actions de prévention et de dépistage, sûres et licites pour assurer la sécurité.
Alcool et drogue en entreprise, règles en vigueur aujourd’hui ?
Au cours de ces dernières années, la Direction du Travail a estimé que ces contrôles ne pouvaient s’adresser qu’à des salariés occupés à des postes de sûreté et de sécurité. Un médecin, de préférence le médecin de travail, devait pratiquer le dépistage. L’employeur, chef d’entreprise ne devaient pas voir les résultats. Enfin les sanctions étaient interdites car la consommation pouvait avoir été faite en dehors des temps et lieu du travail. Ce qui serait revenu à une ingérence dans la vie personnelle.
En 2008,
Cependant, la Cour de cassation a admis que fumer du cannabis à l’intérieur de l’entreprise pouvait justifier un licenciement dans la mesure où le cannabis est une substance reconnue illicite.
En outre, le licenciement, pour faute grave, d’un steward ayant consommé des drogues dures pendant ses escales entre deux vols et qui, sous l’influence de produits stupéfiants pendant l’exercice de ses fonctions, n’avait pas respecté les obligations prévues par son contrat de travail et avait fait courir un risque aux passagers a été validé. (Cass. Soc. 27 mars 2012, n°10-19915).
Par ailleurs, depuis le 1er juillet 2014
(décret n° 2014-754), le règlement intérieur de l’entreprise peut interdire la consommation de toute boisson alcoolisée dans l’entreprise, et ce dans un objectif de prévention, y compris le vin, la bière, le cidre et le poiré, lorsque ces interdictions sont proportionnées au but recherché (article R. 4228-20 du Code du travail).
Une clause du contrat de travail peut ainsi prévoir :
- d’interdire et de sanctionner la consommation d’alcool ou de drogue sur le lieu du travail,
- d’interdire et de sanctionner l’état d’ivresse ou l’état sous influence de stupéfiants sur le lieu de travail.
Enfin, dans une décision rendue le 5 décembre 2016 (décision n° 394178),
A condition que le règlement intérieur ou une note de service les prévoient, le Conseil d’Etat a estimé licites les tests de salive pratiqués par une entreprise sur ses salariés afin de s’assurer que ces derniers ne consomment pas de drogues. Evidemment, ces tests ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles et collectives, ni aux droits des salariés.
L’employeur doit réaliser ces contrôles avec transparence et loyauté.
Alcool et drogue en entreprise, responsabilité de l’employeur
L’employeur a le devoir de prévenir les risques professionnels. Il a une obligation de résultat de sécurité faute de quoi la faute inexcusable peut lui être imputée. D’autant plus si un accident survient à la suite d’un état d’alcoolémie ou d’une emprise sous stupéfiant. Les sanctions civiles et pénales que l’on connaît à son encontre peuvent êtres graves.
Ainsi, l’article R. 4228-21 du Code du travail prévoit qu’il est interdit de laisser entrer ou séjourner sur le lieu de travail des personnes en état d’ivresse. L’employeur ne doit donc pas laisser le salarié se rendre sur son poste de travail. Il doit l’inviter à rentrer chez lui, après une phase de dégrisement. Néanmoins, il ne doit pas le laisser repartir par ses propres moyens et utiliser son véhicule. Il doit le raccompagner ou le faire raccompagner à son domicile.
Alors, quoi faire ?
Premièrement : L’employeur peut organiser des actions de sensibilisation aux dangers de l’alcool et de la drogue et de prévention des risques :
– aborder le sujet plutôt que réprimer ou traiter après coup,
– impliquer tous les acteurs, de santé notamment, concernés dans l’entreprise : direction, DRH, assistante sociale, médecin du travail, infirmière,
– pointer les dysfonctionnements (absences, accidents, baisses de performance, etc, signaux d’alerte).
Dans un second temps : L’employeur peut prévoir dans le règlement intérieur, des outils de dissuasion (tests salivaires, alcootests) tout en précisant qui tester et les modalités de dépistage et de contestation (Possibilité pour le salarié positif de faire faire une contre-expertise, d’être assisté par un autre salarié, prévoir les personnes habilitées à effectuer les contrôles, …). L’introduction, le trafic, la consommation de stupéfiants (et la consommation d’alcool selon les dispositions du règlement intérieur) dans l’enceinte de l’entreprise par le personnel sont sévèrement sanctionnés. Ils peuvent aller jusqu’au licenciement immédiat, voire même licenciement pour faute grave.
Ces deux politiques ont pour objectif de garantir au maximum la sécurité des salariés sur leur lieu de travail. En outre, elle sécurise la responsabilité du chef d’entreprise et permette de limiter l’absentéisme (lisez cet article pour d’autres conseils sur la maitrise de l’absentéisme)
N’hésitez pas à partager avec nous vos expériences personnelles mises en place.
Caroline Noailly Laporte et l’équipe Medicat Partner